lundi 8 août 2016

Je suis consciente que je vais me faire lancer des tomates...

Salut!

Il y a un sujet qui me triture l'esprit depuis un certain temps.  Je suis bien consciente que ce que je vais dire ici ne plaira pas à tout le monde, mais quand même, j'ai réussi à mettre la patte sur le point qui me dérange, alors autant en parler.

En fait, j'ai mis la patte dessus depuis un petit moment déjà.  En janvier pour être plus précise.  En lisant le livre Comme par magie d'Elizabeth Gilbert, je suis tombée sur le passage suivant:

Pendant tout le temps où je faisais mes gammes pour devenir écrivain, j'eus toujours un travail.  [...]  À vraie dire, je quittai mon travail [...] qu'une fois que j'eus écris trois livres - et qu'ils eurent été publiés par de grandes maisons d'édition et eurent tous reçus une critique favorable dans le New York Times. [...] Mais comme je ne voulais prendre aucun risque, je gardai mon travail. p. 177

Si je m'accrochai à toutes les autres sources de revenu pendant si longtemps, c'est parce que je ne voulais pas que l'écriture ait l'écrasante responsabilité de me faire vivre.  Je me gardai bien de demander cela à mes livres, car au fil du temps, j'avais vu tant d'autres gens anéantir leur créativité en exigeant que leur art paie leurs factures. J'ai vu des artistes finir fauchées et fous à force de se convaincre qu'ils ne sont pas de vrais créateurs tant qu'ils ne peuvent pas vivre exclusivement de leur créativité.  Et lorsque la créativité les trahit (c'est-à-dire lorsque qu'elle ne paie pas le loyer), ils sombrent dans le ressentiment, l'angoisse et même la ruine.  Le pire étant qu'ils renoncent souvent totalement à créer p. 178

Et là, vlam.  Ça correspond à ce que je pense déjà depuis un certain temps, mais elle a su mettre des mots dessus.  (Soi-dit en passant, les pages précédentes et suivantes portent sur le même sujet et sont à lire!)

Voyez-vous, j'ai été libraire, je sais comment fonctionne le milieu du livre dans notre Belle Province.  Pas tout évidemment, mais plus que la moyenne des gens.  Et je sais que si les candidats se bousculent au portillon pour publier, et même sur les tablettes des librairies, la rentabilité n'est pas toujours au rendez-vous.  Je connais aussi pas mal d'auteurs.  De toutes provenance et de tous les genres.  Et, tous, unanimement finissent tous par me parler, avec des yeux de merlans frits (désolé, mais oui, vous faites tous la même tête!) de leur rêve de vivre de leur plume...  J'ai juste le goût de demander souvent, MAIS POURQUOI VOULOIR ÇA!!!!  Que ça, précisément ça et comme si c'était le but ultime d'une carrière d'écrivain!

Je n'ai jamais découragé personne à ce sujet et je ne le ferais jamais.  C'est un rêve noble.  On dirait par contre que mon côté hyper-pragmatique se hérisse contre cette vision bucolique de la vie d'écrivain.  On dirait que la plupart des auteurs en herbes qui rêvent de vivre avec leur salaire d'écrivain s'imaginent s'installer le matin devant leur ordinateur et passer la journée dans la béatitude complète de leur bulle d'écrivain.  Qu'ils s'imaginent que leur chat ou leur chien (je vous laisse deviner ma préférence :P ) collé contre eux, partenaire de leur imagination et de leur inspiration, va être leur compagnon de tous les jours.  Qu'ils vont se mettre à écrire encore et encore, toujours heureux de le faire et d'entrer chaque jour dans cette bulle.  C'est comme s'imaginer une vie d'écrivain à temps plein sur papier glacé.  Et j'ai souvent le goût de péter la bulle à plusieurs.

De un, si écrire est votre boulot à temps plein, l'écriture comme telle ne sera plus aussi agréable.  Parce que loin d'être un loisir, ou la chose que vous faites pour vous faire plaisir, ça deviendra une obligation.  Goût, pas le goût, fatigué, pas fatigué, occupé, pas occupé, inspiré ou non, il vous faudra écrire.  Parce que c'est votre boulot.  Et oublier la jolie vision que vous pourrez enfin écrire ce que vous voulez.  Si c'est votre boulot, vous devrez produire, quitte à écrire des trucs que vous aimez moins, des trucs à contrat entre autre.  Oui, Bryan Perro a fini par vivre de sa plume, mais Amos Daragon est une oeuvre de commande au départ.  Vos projets personnels, vous les ferez quand vous aurez le temps pour.  Pas avant.  C'est triste, mais c'est comme ça, parce que dorénavant, écrire est votre boulot.  Et si jamais vous faites face au syndrome de la page blanche, vous serez seul avec votre problème, vos angoisses et vos factures qui s'accumulent!

Et ça, c'est sans compter que le boulot d'écrivain signifie une grosse partie de contacts avec les lecteurs, ce qui veut dire déplacement dans toutes les petites et grandes villes du Québec.  Avec ce que ça veut dire d'heures de routes (où vous ne pourrez pas écrire), de nuits à l'extérieur (oui, vous pourrez écrire à l'hôtel, mais vous en restera-t-il l'énergie???), de mauvais restos et de rencontres pas toujours drôles.  Je sais que rencontrer ses lecteurs doit être une expérience très agréable, mais elle va avec ses petits à-côtés qui peuvent constituer des irritants à la longue.  D'autant plus que ces petites sorties, qui sont souvent des animations, rapportent souvent plus que les droits d'auteurs eux-mêmes.  Alors, écrire, même si ça rend heureux, ou faire des animations parce que ça remplit le frigo et paye le loyer?  Dilemme cornélien s'il en est parce que l'écrivain souhaite écrire et là, il se retrouve à ne plus pouvoir écrire parce qu'il fait des animations pour gagner sa vie et qu'il a laissé son travail payant pour se libérer du temps justement pour écrire.  -_-

Sauf que le problème, ce n'est pas tant que les gens rêvent de vivre de leur plume, c'est qu'ils rêvent d'avoir plus de temps pour écrire.  Le fait de vivre de ses droits d'auteurs est alors un moyen alors que bien des gens le voit comme une fin.  Sauf que voilà, justement de un, c'est très difficile de vivre de ses écrits, particulièrement au Québec où le marché est petit, mais plus encore, c'est que le rêve d'arrêter de travailler pour écrire ne libérera pas nécessairement le temps souhaité pour se consacrer à son travail favori.  D'où ma réaction dubitative interne quand quelqu'un me dit qu'il rêve de vivre de sa plume...

D'autant plus, et ça aussi, ça me rend triste, est que le but d'écrire est souvent vu comme étant celui de vivre de sa plume!  Comme si d'écrire simplement parce qu'on aime ça, tout en ayant le plaisir et l'honneur d'être publié, sans en faire son métier, était être un écrivain moins accompli que celui qui utilise ses droits d'auteurs pour mettre du pain et du beurre sur sa table.  Ce n'est pas moins noble!  Et fichez-moi à la porte ces clichés de l'artiste dévoré par son oeuvre qui doit lui consacrer la moindre parcelle de sa vie et de son temps.  Ça fait de très bons films, mais de très vilaines vies à vivre.  Et ce n'est pas nécessaire pour être heureux d'écrire de cette manière.  Je crois qu'une bonne dose de réalisme est nécessaire.  Si on voit l'écriture comme quelque chose qui complète les revenus tout en ayant un travail quotidien, et bien, je ne vois pas ce qu'il y a de mal à ça.  Ni pourquoi ce serait moins considéré.  Ni comment ça nuirait vraiment au côté qualitatif d'une oeuvre (côté quantitatif, peut-être, mais bon, plein d'autres choses peuvent être un frein!).  C'est le cas de la majorité des auteurs de toutes façons, lâchez le rêve et profiter de la réalité.  Elle ne sera pas en papier glacée, mais permet d'écrire et de faire ce que l'on aime pour de vrai.  Ça veut dire cumuler les accommodements, lutter pour trouver un équilibre entre le temps consacré à l'écriture et le reste de la vie quotidienne, mais reste qu'il me semble que cette voie moyenne, pas nécessairement glamour permet de combiner l'aspiration à l'écriture et les nécessités de la vie, donc d'être capable de faire ce qu'on rêve de faire.

Bon, maintenant tout le monde, si vous y tenez, lâchez-vous lousse sur les tomates, mais bien mûres svp, que je puisse me faire de la sauce à spag avec :P

@+ Mariane

lundi 1 août 2016

Je n'étais pas dans la file d'attente samedi dernier à minuit...

Salut!

Je me considère comme une assez grosse fan d'Harry Potter.  J'ai lu, dévoré devrais-je plutôt dire, chacun des tomes de la série.  J'ai fini les trois derniers quelque part aux petites heures du matin.  En pleurant pour le dernier tome.  En tournant la dernière page du dernier livre, j'ai ressenti un vide immense: c'était fini.  À jamais.  Il n'y en aurait plus d'autres.  Et ça m'a laissé un immense trou dans la poitrine.  J'ai aussi lu les deux tomes hors-série que l'auteure a écrit: celui sur le quidditch et l'autre sur les animaux fantastiques.  J'ai bien aimé, sans être une super fan.  Alors voilà, j'avais fini mon trip Harry Potter pour de bon.  Ne me restait que les souvenirs maintenant.

Sauf que voilà, il y a quelques mois, j'ai entendu parler d'un nouveau tome.  19 ans plus tard.  Et d'une nouvelle série de films, situés dans le même univers.  Et ça n'a pas soulevé mon enthousiasme au-delà du simple: ah oui?  J'ai pourtant été une fan extrêmement enthousiaste de l'oeuvre!!!!  Que m'arrivait-il tout à coup?  Voilà donc que je ne pensais plus à cet univers, ces personnages que j'ai pourtant adoré.  Pourquoi donc?

Réfléchissons donc...  Ça m'était déjà arrivé, sans doute pas une seule fois, mais c'est cette fois-ci qui me revient en tête: Les Enfants de la Terre de Jean M. Auel.  J'ai lu, relu et rerelu ses livres.  J'ai adoré ceux-ci et ils figurent parmi les lecteurs marquantes de ma vie de jeune lectrice.  Pourtant, quand j'ai su qu'un sixième tome allait sortir, une bonne décennie après la lecture du premier tome, j'avais eu une réaction semblable: ah oui?  Bon, dans ce cas précis-là, il faut le dire, le cinquième tome m'avait beaucoup déçu par rapport aux quatre premiers.  Néanmoins, au-delà de ça, il y avait autre chose.  J'avais lu ces romans jeune adolescente.  La personne qui les avait tant aimé avait cet âge-là.  J'avais grandi depuis.  Reconnecter à cet univers était difficile parce que ma perception des choses avaient beaucoup évolué.

Il y a aussi, que quand on aime d'amour quelque chose et que cet amour n'est pas nourri de façon régulière, on dirait qu'il se fige dans le temps. devenant aussi clair, limpide et miroitant que le cristal.  Aussi fragile également.  C'est comme un grand amour qui a passé, on garde les plus belle images dans notre tête, le meilleur reste, mais le reste est occulté, sinon oublié.  Alors, quand on nous propose de modifier le cristal, on a peur de perdre cette vision soigneusement créé dans notre vie.  Le risque de décevoir les fans est immense pour les auteurs d'ailleurs.  En voulant les amener un peu plus loin, on risque de briser la vision construite depuis longtemps.  Parfois, même si on est un grand fan, on ne veut pas prendre le risque.

Pour ces deux raisons, je n'étais pas en ligne à la librairie samedi dernier à minuit.  Et je me tiens loin de tout ce qui est la folie Harry Potter pour l'instant.  Je ne dis pas que je ne vais pas céder à la curiosité à un moment ou à un autre, mais pour l'instant, ça ne me tente pas, tout simplement.  Je n'ai pas le goût de retourner dans cet univers pour mettre en danger l'image cristalline que j'en aie gardé.  Parce qu'Harry, Ron et Hermione ont pour moi quelque chose de sacré et que je chéris leur souvenir... d'autant plus que si j'ai le goût de les retrouver, je n'ai qu'à rouvrir un des bouquins de la série originale pour le faire!

@+ Mariane